Le second prêche du père Paneloux

Le père Paneloux évolue vers plus d'humanité et de complexité. C'est certe l'agonie d'un enfant innocent qui l'a marqué, mais également son engagement dans les formations sanitaires volontaires. « Le souci de sa propre mort non plus ne lui est à présent pas étranger. » (p.223)

Paneloux a informé Rieux qu'il prépare un court traité sur le sujet Un prêtre peut-il consulter un médecin?, et l'invite à la messe où il fera un prêche pour exposer au moins quelques points.
L'assistance est moins nombreuses que lors de son premier prêche. Qui plus est, la plupart des Oranais n'accordent plus guère de place à la religion, ou ont uniquement recours à la religion pour compenser leur vie de débauche ou alors s'intéressent seulement aux superstitions. Il n'y a d'ailleurs que des hommes. Le père Paneloux parle d'un ton plus doux et plus réfléchi que la première fois. Il y a aussi une certaine hésitation dans son débit et il ne dit plus «vous» mais «nous». On note ainsi que le jésuite a évolué. Il ne prétend plus détenir la vérité universelle, il commence à douter.

Il pose que ce qu'il a dit lors de son premier prêche continue à être vrai, mais reconnaît qu'il l'a pensé et dit sans charité. « Ce qui restait vrai, cependant, c'est qu'en toute chose, toujours, il y avait à retenir. L'épreuve la plus cruelle était encore bénéfice pour le chrétien. [...] Il disait à peu près qu'il ne fallait pas essayer de s'expliquer le spectacle de la peste, mais tenter d'apprendre ce qu'on pouvait en apprendre. » (p.226) Il en vient à parler du «mal apparemment nécessaire» et du «mal apparemment inutile» et dit qu'on ne comprend pas la souffrance de l'enfant qu'ici Dieu nous mettait au pied du mur. Il frôle l'hérésie et choque les hommes d'Eglise qui assistent quand il «refuse même de se donner des avantages faciles qui lui permettent d'escalader le mur. Il lui serait aisé de dire que l'éternité des délices qui attendent l'enfant pouvait compenser sa souffrance, mais, en vérité, il n'en savait rien. Qui pouvait affirmer en effet que l'éternité d'une joie pouvait compenser un instant de la douleur humaine?» Il conclut pourtant en disant: « Mes frères, l'instant est venu. Il faut tout croire ou tout nier. Et qui donc, parmi vous, oserait tout nier? [...] Dieu faisait aujourd'hui à ses créatures la faveur de les mettre dans un malheur tel qu'il leur fallait retrouver et assumer la plus grande vertu qui est celle du Tout ou Rien. [...] Il s'agissait d'humiliation, mais d'une humiliation où l'humilié était consentant. » (pp.227-228)

L'attitude à adopter selon le père Paneloux était celle d'un fatalisme actif: « Il ne fallait pas écouter ces moralistes qui disaient qu'il fallait se mettre à genoux et tout abandonner. Il fallait seulement commencer de marcher en avant, dans la ténèbre, un peu dans l'aveuglette, et essayer de faire du bien. Mais pour le reste, il fallait demeurer, et accepter de s'en remettre à Dieu, même pour la mort des enfants, et sans checher de recours personnel. » (p.230) Il conclut ainsi: « l'amour de Dieu est un amour difficile. Il suppose l'abandon total de soi-même et le dédain de sa personne. Mais lui seul peut effacer la souffrance et la mort des enfants. [...] Voilà la foi, cruelle aux yeux des hommes, décisive aux yeux de Dieu, dont il faut se rapprocher. [...] la vérité jaillira de l'apparente injustice. » (pp.230-231)

Nous ne savons pas quelle est la véritable attitude du jésuite, mais nous savons qu'il est moins strict que lors de son premier prêche. Dans son second prêche, il pose la question du mal dans le monde de façon beaucoup moins moralisatrice et dogmatique. Et, quand il meurt de la peste, son cas est classé comme un « cas douteux » (p.236). Cela vaut-il également pour sa foi? A-t-elle également vacillée? Ou le père Paneloux a-t-il su faire ce qu'il a prêché: « s'abandonner à la volonté divine même incompréhensible »? (p.229)
Quand Rieux va voir Paneloux qui est souffrant, il est surpris qu'il n'ait aucun des symptômes principaux de la maladie. Or, comme il y a doute, il est transporté à l'hôpital. Il décline l'offre de Rieux qui lui propose de rester près de lui: « Merci [...] Mais les religieux n'ont pas d'amis. Ils ont tout placé en Dieu. » (p.235) Puis il demande le crucifix. Il ne refuse certes pas les soins médicaux, mais il reste accroché au crucifix.

(cf. voir Le premier prêche du père Paneloux)

(cf. voir comparaison des deux prêches)

(cf. voir Deux conceptions radicalement opposées: opposition Rieux - Paneloux)

(cf. voir Paneloux, «un cas douteux»)


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