Paneloux qui représente le catholicisme et le savoir livresque (cf. comparaison avec Rieux) est « condamné à mort » par Camus.
Ce jésuite « érudit et militant » croit détenir la vérité, celle d'un christianisme exigeant. Sa vérité provient de la Bible et la peste est en quelque sorte l'occasion inespérée d'imposer cette vérité aux Oranais qu'il considère comme trop «tièdes» dans leur croyance. Ce fléau confirme ce qu'il pensait depuis longtemps: les hommes de par leurs péchés et leur arrogance se sont avérés indignes de l'amour de Dieu, la peste n'en est que la conséquence, la punition méritée (cf. premier prêche). Paneloux fait ainsi référence au Dieu de l'Ancien Testament, un Dieu vengeur, impitoyable voire cruel.
On peut alors considérer Paneloux comme un homme de l'absolu. Rieux lui reproche d'ailleurs de ne pas avoir assez vu mourir, donc qu'il est un homme de l'abstraction, ignorant de la véritable souffrance humaine. Il va même jusqu'à traiter la médecine de vaine science humaine en public, ce qui permet à Camus de mettre en scène l'éternel duel entre la science et la religion. Comme les Oranais sont fragiles et débousselés par ce qui leur arrive, il est facile pour Paneloux de les intimider, de les effrayer et de les faire adhérer à son idée de Dieu tout-puissant qui détient le pouvoir de décision sur la vie et la mort.
Or, l'épisode de l'agonie du fils Othon marque pour ce prêtre si convaincu une confrontation cruelle mais réelle avec la souffrance et la mort des innocents. Cette scène, sûrement une des plus poignantes du roman, reflète toute l'absurdité et l'injustice et ébranle pour la toute première fois la foi de Paneloux dans son intégrité. Rieux, en colère, ne manque pas de lui en faire le reproche Celui-là au moins était innocent. Vous le savez bien!.
Ceci dit, même cette mort ne réussira pas à lui faire totalement changer d'avis. Sa foi est bien trop rigide et Paneloux ne vas pas renier sa croyance en un Dieu tout-puissant. Le choix qui se propose alors est de tout croire ou bien de tout nier. Il va de soi que Paneloux choisit la première alternative. Il accepte tout ce que Dieu impose aux hommes, aussi bien le mal apparemment nécessaire que le mal apparemment inutile.
Il reste lié à cette conviction jusqu'au bout, il ne réussit pas (ne veut peut-être même pas) sortir de ces principes dogmatiques, même, et surtout, quand il tombe malade. S'abandonnant à la volonté divine, il refuse de consulter un médecin. Il meurt seul, un crucifix à la main. Les médecins inscrivent «cas douteux» sur sa fiche, car ils ne peuvent pas affirmer avec certitude que c'est bien la peste qui l'a emporté, puisqu'il n'a pas les mêmes symptômes. Mais l'idée de Camus va plus loin. Le père Paneloux n'avait-il pas plus de doutes qu'il n'a bien voulu l'admettre? Jusqu'à quel point Paneloux a-t-il été ébranlé dans sa foi? La mort du fils Othon n'a-t-elle pas créé une véritable fissure dans sa croyance de ce prêtre qui dit tout accepter de Dieu?
Comme chaque mort ou survie d'un personnage est symbolique et calculée/décidée par l'auteur, comment peut-on interpréter cette mort aux causes «douteuses»? En fait, la mort de Paneloux marque le rejet de Camus de toute doctrine ou foi intransigeante, abstraite et absolue. Comme l'a exprimé Tarrou après le second prêche: Quand l'innocence a les yeux crevés, un chrétien doit perdre la foi ou accepter d'avoir les yeux crevés. Paneloux ne veut pas perdre la foi, il ira jusqu'au bout.
(cf. voir Le premier prêche du père Paneloux)
(cf. voir Le second prêche du père Paneloux)
(cf. voir comparaison des deux prêches)