Chapitre XVIII - « L'Ermite »

Situation

  • Alors que Zadig est au plus bas et a « murmuré contre la Providence », il rencontre l'Ermite qui lit « le livre des Destinées ». Tout érudit qu'il est, Zadig n'y voit que des caractères indéchiffrables, ce qui signifie que l'Homme est incapable de comprendre sa destinée.
  • Rappel: la destinée est l'ensemble des choses qui arrivent à l'Homme
  • Dans un sens purement matérialiste, on peut dire que la destinée de l'Homme est de veillir et de mourir

Si on croit que l'univers est construit en vue d'une fin, il faut admettre qu'elle a été conçue par un Dieu tout-puissant qui a créé l'univers en vue de la réalisation de ce but. La croyance en un Dieu créateur s'impose alors, et avec elle, l'idée que l'Homme est appelé à collaborer à cette fin. Se pose alors la question de la Providence bienveillante: est-ce que tout ce qui arrive mène vers une fin positive? Est-ce que la Providence veille sur l'Homme? Si tel est le cas, le malheur particulier fait le bien général même si sa signification échappe à l'intelligence humaine.

(cf. voir Zadig et la Providence)

La route avec l'Ermite

  • L'Ermite se propose d'accompagner Zadig:

    Si vous permettez que je vous accompagne, repartit le veillard, peut-être vous serai-je utile. J'ai quelquefois répandu des sentiments de consolation dans l'âme des malheureux. (ll.13-16)

  • L'Ermite lui fait promettre de ne pas le quitter avant qu'ils ne soient arrivés à Babylone

  • Zadig ne comprend pas tout de suite les leçons de l'Ermite qui lui apportera pourtant progressivement des réponses

    • Les actions apparemment indignes de l'Ermite visent un but précis. Elles améliorent les deux hôtes: l'avare aura une plus grande largesse envers ses hôtes futurs et le châtelin sera plus modeste
    • L'Homme est incapable de comprendre le grand tout ; il ne voit que certains faits et certaines actions. Puisque l'Homme est incapable de comprendre comment ces faits s'intègrent dans le plan général de la création, il devrait s'abstenir de juger la création et de se plaindre des malheurs particuliers
    • Beaucoup de choses sont en même temps négatives et positives, mais le caractère positif l'emporte. L'analogie avec le vent qui met en danger le voilier, mais lui permet aussi de naviguer, l'explicite. De même, un mauvais fonctionnement de la bile rend l'Homme malade, mais sans bile, il ne saurait vivre

Mise en scène des réflexions

  • Incapacité de l'Homme de comprendre le plan divin / les desseins de Dieu c.f propos de l'ange Jesrad à l'adresse de Zadig:

    Les hommes, dit l'ange Jesrad, jugent de tout sans rien connaître: tu étais celui de tous les hommes qui méritait le plus d'être éclairé. (ll.170-172)

  • Il est impossible de juger du tout à partir d'un élément

Les objections de Zadig

  • Même si on connaissait l'avenir et la suite des événements, aurait-on le droit de commettre un crime, un acte barbare qui éviterait un crime plus grand?
  • Fallait-il tuer un enfant? N'y avait-il pas de possibilité de changer le cours des événements, d'intervenir sur le caractère de cet enfant, d'empêcher les crimes qu'il allait commetres s'il avait vécu?
  • Faut-il que le mal existe? Le créateur n'aurait-il pas pu créer un monde dont le mal aurait été absent?

Les réponses de l'ange Jesrad

  • La réponse correspond aux théories de Leibniz (cf. voir Zadig et la Providence - La solution proposée par Leibniz):

    il existe une infinité de mondes possibles dont chacun comporte une part de malheur puisque l'ordre parfait peut seulement exister dans la demeure de Dieu. Or cette immense variété des choses est le témoignage de la perfection divine

  • L'Homme est incapable de comprendre les desseins de Dieu:

    Les hommes pensent que cet enfant qui vient de périr est tombé dans l'eau par hasard, que c'est par un même hasard que cette maison est brûlée: mais il n'y a point de hasard, tout est épreuve, ou punition, ou récompense, ou prévoyance. Souviens-toi de ce pêcheur qui se croyait le plus malheureux de tous les hommes. Orosmade t'a envoyé pour changer sa destinée. Faible mortel, cesse de disputer (discuter) contre ce qu'il faut adorer. (ll.198-205)

    L'Homme doit donc cesser de discuter des desseins de Dieu ou de s'en plaindre. L'Homme doit adorer sa création ; tout se passe selon un plan prévu par la Providence qui œuvre pour le plus grand bien de toutes les créatures.

  • Zadig veut continuer de discuter, mais l'ange monte vers le ciel ...

Les personnages

  • Zadig, « celui de tous les hommes qui méritait le plus d'être éclairé » (ll.171-172)
  • L'Ermite (figure topique du sage), le porte-parole de la philosophie de Leibniz
  • Les différents hôtes
  • Le neveu de quatorze ans

Apprentissage de Zadig

  • Injonction: « Faible mortel, cesse de disputer (discuter) contre ce qu'il faut adorer. (l.204)
  • Au « mais » prononcé par Zadig, l'ange s'envole ; Zadig se met alors à genoux pour adorer la Providence et l'ange lui crie de retourner à Babylone

Ce chapitre vient clore la réflexion voltairienne sur la Providence divine. Il constitue l'apogée de la réflexion philosophique du conte sans proposer autant une leçon dogmatique sur l'existence. L'ange s'envole car il refuse de continuer la discussion puisque l'Homme est incapable de comprendre le grand plan divin. Zadig n'est pas entièrement convaincu par les arguments de l'ange et celui-ci se dérobe parce qi'il ne sait pas de réponse aux questions de Zadig.

(cf. voir Zadig et la question de la Providence - « L'Ermite » et la question de la Providence)


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