« Les portes de la ville s'ouvr[ent] enfin, à l'aube d'une belle matinée de février, après neuf mois de lutte incessante contre la peste. » (p.295) Le narrateur se propose de « se faire le chroniqueur des heures de joie qui suiv[ent] cette ouverture des portes, bien que lui-même [soit] de ceux qui n'[ont] pas la liberté de s'y mêler tout entiers. » (p.295) En effet, la peste a fortement éprouvé Rieux en emportant son épouse et son ami Tarrou.
Les trains circulent de nouveau et les navires s'approchent du port d'Oran. Et, « ce jour [est], pour tous ceux qui gémissent d'être séparés, celui de la grande réunion. » (p.295) Ceux qui ont souffert de la séparation pendant tous ces mois désirent maintenant que le temps ralentisse ou soit suspendu « dès que le train commence de freiner devant l'arrêt. Le sentiment, à la fois vague et aigu en eux, de tous ces mois de vie perdus pour leur amour, leur faisait confusément exiger une sorte de compensation par laquelle le temps de la joie aurait coulé deux fois moins vite que celui de l'attente. » (p.296)
Mais il y a aussi des gens attristés: ceux qui, en entrant à Oran, « n'avaient trouvé personne et se disposaient à recevoir chez eux la confirmation des craintes qu'un long silence avait déjà fait naître dans le coeur. » Pour eux, « le sentiment de la séparation a atteint son sommet. Pour ceux-là, mères, époux, amants qui ont perdu toute joie avec l'être maintenant égaré dans une fosse anonyme ou fondu dans un tas de cendre, c'est toujours la peste. » (pp.297-298)
Mais comme la ville est en fête, on oublie ces solitudes: « Tous crient ou rient. [...] Le lendemain commencerait la vie elle-même, avec ses précautions. Pour le moment, des gens d'origines trés différentes se coudoyaient et fraternisaient. L'égalité que la présence de la mort n'avait pas réalisée en fait, la joie de la délivrance l'établissait, au moins pour quelques heures. » (p.298)
Des couples et des familles se promènent aussi dans la ville, mais sous cette apparence de promeneurs placides, se cachent des pèlerins, qui emmènent les membres de leur famille qui étaient à l'extérieur, sur les traces de la peste pour leur en montrer les vestiges: ces couples montrent ainsi que la peste était finie et que la terreur avait fait son temps.