La fin de la peste

Nous sommes à présent au mois de janvier. Les Oranais se voient surpris par une brusque retraite de la maladie. L'espoir renaît, même si les gens se montrent prudent et les Oranais affichent à nouveau un sourire. Le froid s'installe et « dans cet air purifié, la peste, en trois semaines et par des chutes successives, parut s'épuiser dans les cadavres de moins en moins nombreux qu'elle alignait. Elle perdit, en un court espace de temps, la presque totalité des forces qu'elle avait mis des mois à accumuler. » (p.272) Le sérum de Castel s'avère être très efficace.

Il y a encore quelques victimes: « Ils étaient les malchenceux de la peste, ceux qu'elle tuait en plein espoir. » (pp.272-273) Notamment le juge Othon, qui s'était engagé dans le camp d'isolement pour se sentir plus proche de son fils, mort de la peste, meurt à ce moment-là.

On commence à parler de l'après-peste, on imagine un avenir. On est conscient que tout ne va pas être comme avant d'un coup. On espère simplement que le problème du ravitaillement, qui est le souci le plus pressant, saura être rapidement amélioré.

Pendant tout le mois de janvier, les Oranais sont partagés entre l'excitation et la dépression. Cela explique qu'il y a de nouvelles tentatives d'évasion: les uns parce que cela fait partie de l'état de peste dont ils ont pris l'habitude, les autres sont paniqués à l'idée qu'ils pourraient être définitivement séparés de leur bien-aimé(e) alors qu'ils sont si près du but. Mais on repère également un phénomène d'optimisme qui fait que les prix baissent ; il s'agit là d'un phénomène purement moral car les difficultés de ravitaillement restent les mêmes. La vie en communauté reprend aussi bien dans les deux couvents de la ville que dans la caserne militaire.

Le 25 janvier, après plus de neuf mois, les statistiques ont tellement reculé qu'après concertation avec la commission médicale, la préfecture « annonce que l'épidémie peut être considéré comme enrayée ». (p.275) Par prudence, les portes de la ville restent encore fermées pendant deux semaines et les mesures prophylactiques sont encore maintenues pendant un mois, mais les Oranais considèrent ces dispositions comme de pures formalités et, le soir du 25 janvier, une joyeuse agitation emplit la ville: « le préfet donne l'ordre de restituer l'éclairage du temps de santé » et les gens sortent « sous un ciel froid et pur ». (p.276)
Mais tous ne participent pas à cette ambiance de fête: beaucoup passent cette soirée en silence à la maison. Ce sont « ces êtres endeuillés, [pour qui] le soulagement aussi était profond, soit que la peur de voir d'autres parents emportés fût enfin calmée, soit que le sentiment de leur conservation personnelle ne fût plus en alerte », mais qui portent pourtant le deuil. (p.276) De même, les familles qui ont encore quelqu'un qui lutte contre la peste, ne partagent pas non plus cette joie générale, même si elles conçoivent de l'espoir: « cette attente, cette veillée silencieuse, à mi-distance de l'agonie et de la joie, leur paraissait plus cruelle encore, au milieu de la jubilation générale. » (p.276)

Tarrou, Rieux, Rambert et les autres marchent aussi au milieu de la foule. Ils se rendent compte à la fois de la joie et de l'inquiétude qui se cache derrière les volets clos. « Et à cause même de leur fatigue, ils ne [peuvent] séparer cette souffrance, qui se prolonge derrière les volets, de la joie qui emplit les rues un peu plus loin. La délivrance qui approche a un visage mêlé de rires et de larmes. » (p.277)
Tarrou croise le premier des chats qui avaient disparu depuis le printemps.


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